Lors de la Journée Mondiale de l’Océan, le 8 juin, est paru dans le “HUFFINGTON POST” une tribune interpellant sur la protection des eaux françaises, à laquelle est associée LONGITUDE 181 par la voix de François SARANO, qui s’est joint aux nombreuses personnalités qui relayent cet appel :
- Dr Jérôme Petit (Pew Bertarelli Ocean Legacy),
- Prof. Daniel Pauly (Professeur à l’Université de la Colombie Britannique),
- Isabelle Autissier (Présidente de WWF France),
- Jean-François Julliard (Directeur de Greenpeace France),
- Romain Troublé (Directeur de la Fondation Tara Expéditions),
- Patricia Ricard (Présidente de l’Institut océanographique Paul Ricard),
- Pierre-Yves Cousteau (Fondateur de Cousteau Divers),
- Prof. Bernard Salvat (Professeur émérite à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes),
- Dr Serge Planes (Directeur de Recherche au Centre national de la recherche scientifique)
Le texte est disponible en ligne ici : https://www.huffingtonpost.fr/jerome-petit/comment-la-france-pourrait-devenir-un-leader-mondial-de-la-protection-des-oceans_a_23453336/?utm_hp_ref=fr-environnement
En voici l’extrait :
Comment la France pourrait devenir un leader mondial de la protection des océans
La France a la deuxième plus grande zone économique exclusive de la planète, avec ses 11 millions de km² d’espace maritime.
L’océan, qui couvre plus de 70% de la planète, est en crise ; ce n’est plus un secret pour personne. Il est touché de plein fouet par le changement climatique, l’acidification, la pollution et la surpêche. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, environ 90% des stocks de poissons évalués sont pleinement exploités, surexploités ou épuisés au niveau mondial. Au-delà de la menace que cela représente pour la biodiversité marine, ces changements rapides ont également des conséquences majeures pour l’homme. Le poisson est la première source de protéine pour 17% de la population mondiale et la pêche emploie environ 260 millions de personnes dans le monde.
Comment agir face à la crise de l’océan ?
Les quotas de pêche, lorsqu’ils sont établis en accord avec les recommandations scientifiques, ont déjà fait leur preuve en matière de reconstitution des stocks halieutiques. Une autre mesure particulièrement efficace pour assurer la régénération des écosystèmes marins face à l’ensemble des menaces qui pèsent sur eux, est la création de zones de protection.
A l’image des parcs nationaux sur terre, les aires marines protégées sont des espaces où les activités humaines sont réglementées pour permettre aux océans de se régénérer et de continuer à fournir leurs bénéfices aux communautés locales. Les membres de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) recommandent la protection d’au moins 30% de la superficie totale des océans, sans aucune activité extractive (pêche et exploitation minière). Alors que 12% de la surface des terres est aujourd’hui protégée dans le monde, seulement 3% de la surface de l’océan bénéficie de mesures de protection efficace.
Il reste donc beaucoup à faire, même si de nombreux efforts ont été accomplis ces dernières années. En moins de dix ans, plusieurs aires marines protégées de grande taille, couvrant des centaines de milliers de kilomètres carrés, ont été annoncées ou créées dans les eaux de plusieurs pays précurseurs, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, au Chili, en Nouvelle-Zélande, en Australie, aux Palaos, aux Kiribati et au Mexique. Ces vastes réserves marines, dans lesquelles toute activité industrielle est interdite, devraient recouvrir à terme une surface totale d’environ huit millions de km².
Les engagements de la France
Lors du Grenelle de la Mer en 2009, sur la base des recommandations de la société civile, la France s’était engagée à créer des aires marines protégées dans 20% de ses eaux, dont la moitié seraient des réserves de pêche. Depuis cette date, les gouvernements successifs agissent pour atteindre cet objectif, notamment dans les territoires d’outre-mer où se trouve 97% de l’espace marin français.
La Nouvelle-Calédonie a créé en 2014 le Parc naturel de la mer de Corail qui recouvre la quasi-totalité de sa zone économique exclusive, soit une surface d’environ 1,3 million de km². Fin 2016, la Réserve naturelle des Terres australes françaises au large de l’Antarctique a été étendue, portant sa superficie totale à environ 670 000 km², dont 120 000 km² de zone de protection renforcée – une grande première pour la France. Suite à ces avancées majeures, la France a annoncé que 22% de ses eaux étaient désormais protégées, surpassant ainsi l’objectif de 20% de protection.
Cependant, beaucoup des aires marines protégées françaises ne le sont que sur le papier et ne bénéficient pas encore de moyens adaptés pour leur gestion et leur surveillance. Selon l’UICN, les aires marines protégées peuvent permettre une utilisation modérée des ressources naturelles, mais non industrielle et compatible avec la conservation de la nature. Or, aux Terres australes par exemple, des palangriers congélateurs de plus de 50 mètres de long embarquant un équipage d’une trentaine de marins, sont autorisés dans la majorité des eaux de la réserve. De même, en Nouvelle-Calédonie, le plan de gestion du Parc naturel de la mer de Corail ne définit aucune mesure de conservation concrète. La majorité des écosystèmes récifaux encore intacts de cette zone ne sont pas encore protégés et rien n’exclut une exploitation minière des fonds dans l’enceinte du Parc. Enfin, l’aire marine protégée créée en 2016 à Clipperton ne recouvre que 0,4% des eaux de cette possession française, alors qu’elles sont une zone de reproduction importante pour le thon obèse du Pacifique, une espèce qui a perdu environ les deux tiers de sa population naturelle.
En définitive, seulement 1,3% des eaux françaises sont juridiquement exemptées d’activités industrielles et peuvent répondre à la définition internationale d’une aire marine protégée. L’objectif du Grenelle de 10% de réserves de pêche dans les eaux françaises d’ici 2020 est donc loin d’être atteint.
Une montée en puissance de la protection marine en France
La France, qui fait déjà preuve de leadership au niveau mondial pour la lutte contre le changement climatique avec l’accord de Paris, pourrait avoir le même niveau d’ambition pour la préservation de l’océan. La stratégie nationale de création et de gestion des aires marines protégées est prometteuse : elle prévoit de développer le réseau des réserves naturelles françaises et d’accroître la surface de protection forte, comme cela a été fait aux Terres Australes. La France pourrait ainsi poursuivre son action en préservant durablement d’autres larges zones marines encore vierges dans ses territoires d’outre-mer, pour le bénéfice durable des pêcheries et des populations locales.
En Nouvelle-Calédonie, plusieurs associations et scientifiques militent pour la création de zones de protection forte au sein du Parc naturel de la mer de Corail, avec un large soutien de la population locale. De même, en Polynésie française, les habitants des archipels des Australes et des Marquises ont manifesté récemment pour demander la création d’une aire marine protégée au large de leurs côtes et protéger leur pêche artisanale de la pêche industrielle qui se développe dans leurs eaux. Par ailleurs, une coalition de plusieurs scientifiques français et internationaux a proposé la protection stricte de plus de 100 000 km² d’océan au large de Clipperton. Enfin, les eaux au large des îles de Saint Paul et Amsterdam aux Terres Australes ne sont pas encore pêchées (de 16 à 200 milles marins des îles), alors qu’elles sont riches en thonidés au nord ; elles pourraient faire l’objet d’une protection forte sans coût économique, avant qu’elles ne soient exploitées à leur tour.
Ces opportunités sont encourageantes et préfigurent peut-être l’établissement futur de grandes zones de protection forte dans les eaux françaises, à l’instar de celles établies par les autres grandes puissances océaniques. La France, deuxième plus grande zone économique exclusive de la planète, avec ses 11 millions de km² d’espace maritime, a les moyens de devenir un leader mondial en matière de protection des ressources marines.
Signataires : Dr Jérôme Petit (Pew Bertarelli Ocean Legacy), Prof. Daniel Pauly (Professeur à l’Université de la Colombie Britannique), Isabelle Autissier (Présidente de WWF France), Jean-François Julliard (Directeur de Greenpeace France), Romain Troublé (Directeur de la Fondation Tara Expéditions), Patricia Ricard (Présidente de l’Institut océanographique Paul Ricard), Pierre-Yves Cousteau (Fondateur de Cousteau Divers), Dr François Sarano (Fondateur de Longitude 181), Prof. Bernard Salvat (Professeur émérite à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes), Dr Serge Planes (Directeur de Recherche au Centre national de la recherche scientifique)
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